Il m’arrive encore de travailler dans une brasserie à l’occasion. Il y a quelque chose de très apaisant pour moi dans le fait d’aller au travail à une heure précise, remplir une liste de tâches pour lesquelles je suis amplement qualifiée et rentrer à la maison en sachant que ma journée est terminée, que j’ai fait tout ce que j’avais à faire.
Ça me fait du bien, parce que c’est diamétralement opposé à mon travail de jeune artiste.
Je reconnais l’immense chance que j’ai; mon travail c’est de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour devenir la meilleure artiste qu’il m’est possible de devenir.
Je suis payée pour ça.
C’est extraordinaire.
Mais c’est également incroyablement complexe.
Ma journée de travail commence au réveil, et se poursuit jusqu’au couché (et très souvent empiète sur ma nuit aussi). Chaque action consciente que je pose est engagée dans mon processus artistique. Je m’entraine et je médite pour façonner mon instrument, ce que je mange, et la culture que je consomme génère le matériau avec lequel je compose chaque jour. Je construis mon coffre a outil avec des formations en jeu scénique, en mouvement et danse et en programmation neurolinguistique. J’apprends, désapprends et réapprends des rôles, que je travaille avec des pianistes, des coach spécialisés dans l’esthétique particulière au répertoire donné, des professeurs de dictions et bien sur mes professeurs de chant. Je peaufine mes connaissances linguistiques, littéraires et musicales.
Quand je ne suis pas en train de faire tout ça, bien souvent j’angoisse parce que je n’ai pas cette sensation de travail accompli que j’ai en quittant la brasserie. Alors j’essaie d’apprendre à vivre dans le moment présent et d’accepter que ce chemin que j’emprunte est tout ce qui m’appartiens.
Parce que tout ce que je pense comprendre, sera remis en doute par une prochaine rencontre.
Parce que l’art est magnifiquement subjectif, toujours en mouvement, jamais satisfait.