Je ne vois presque jamais mes colocataires, qui sont d’ailleurs deux de mes amies les plus proches. Nos horaires semblent toujours s’organiser l’un à l’envers de l’autre. Cela dit, ma grande amie Myriame et moi on s’est retrouvées aujourd’hui à passer l’après-midi chez nous pour la même raison, mais sous un angle complètement différent. On s’en allait à l’opéra…
Myriame voulait se débarrasser de ses tâches ménagères à temps pour pouvoir se préparer pour sortir avec ses parents. Elles leurs a offert des billets pour venir voir Rigoletto et ils allaient manger dans un bon restaurant avant de se diriger vers la place-des-arts. Pour elle, c’était une journée spéciale. Elle m’a posé des questions sur les enjeux historiques et culturels de l’œuvre, elle s’est faite belle et a quitté l’appartement bien avant moi.
Elle s’est étonnée de voir à quoi ressemblait ma routine de préparation, alors qu’au contraire d’elle, je faisais tout en mon pouvoir pour que cette journée soit le plus ordinaire possible. J’ai fait une grosse commande d’épicerie et me suis attelée à la préparation de deux nouvelles recettes pour nos lunchs de la semaine. J’ai joué avec nos chats, fait un peu de ménage, une petite douche rapide et je partais pour la place-des-arts tranquillement vers les 18h20. Je me suis réchauffée en fredonnant sur ma bicyclette, et je suis arrivée sur la chaise de maquillage à 19h pour un lever de rideau à 19h30.
19h30, le spectacle commence et je fini de me réchauffer tout en me préparant une petite tisane. J’enfile mon costume et me rend en coulisse pour serrer Myriam (Leblanc, pas ma coloc) dans mes bras. On s’est inventé une petite routine assez cocasse de tapes dans le dos et de sauts pour s’énergiser avant d’entrer en scène. Entre mon entrée et ma sortie de scène je suis là, entièrement disponible à l’univers que nous créons sur scène, je suis Giovanna.
Giovanna meurt à la fin du premier acte, et je passe le reste du spectacle à mémoriser de la musique pour mes prochains projets, ou bien ce soir, à écrire un petit billet de blog.
Mon métier, c’est d’offrir un peu d’extraordinaire pour illuminer le quotidien du public, mais pour pouvoir y arriver, j’ai besoin de m’ancrer le plus possible dans mes habitudes. J’ai besoin d’appartenir complètement à ma vie, à ce qui me rend heureuse et me fait sentir enracinée dans ma réalité pour pouvoir sur scène m’abandonner complètement à la fiction.
Bon allez, je dois redescendre pour ne pas être en retard pour les saluts!