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Chanteuse en construction

Réflexions d'une chanteuse parfois lyrique, parfois chansonnière, souvent sur la route, toujours curieuse.

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  • Photo du rédacteurRose Naggar-Tremblay

Le droit à la réjouissance

Ce n’est pas dans les épreuves que j’ai mesuré l’impact de la pandémie sur ma santé mentale, mais plutôt quand les bonnes nouvelles ont commencé à poindre le bout de leur nez.


Les épreuves ont activé mes mécanismes de résilience. À chaque tournant difficile, je mettais en place une nouvelle stratégie pour reprendre du contrôle sur ma vie, et l’énergie déployée était si grande que je ne ressentais plus la peine. Quand mes contrats ont été annulés, je suis devenue professeure de langues. Quand l'enseignement en ligne a commencé à m’épuiser j'ai investi plus de temps dans la médiation culturelle. Quand les contrats locaux ont déboulés parce que tout le monde a reçu son financement et l'autorisation d’entrer en salle en même temps, je me suis démenée pour terminer mes contrats d’enseignement en plus de reprendre ma pratique artistique. J’ai participé à des concours d’écriture, d’entreprenariat et de composition pour satisfaire mon côté compétitif. J’ai fait des cours de pédagogie et de marketing. J’ai énormément appris, et j’en étais très fière.


Malgré mon anxiété de performance, je suis une personne naturellement optimiste et enjouée. Quand ma carrière prend un petit envol, je m’imagine déjà sur la lune. Quand une nouvelle opportunité se présente à moi, qu’elle soit grande ou petite, on me retrouve généralement à sauter de joie pendant plusieurs jours.


Cette année juste avant la rentrée, j’ai eu la chance de recevoir quelques invitations. J’ai rejoint la troupe de la Tête de pioche pour la magnifique production hip-hopera de Carmen, et mes premiers contrats internationaux, qui devaient avoir lieu l’an dernier, ont finalement été relancés.


C’est là que ça m’a frappée: la vie que j’avais choisie m’étais rendue, mais je n’arrivais plus à m’en réjouir.


Tous les deuils que je n'avais pas fait; les annulations, les amis à qui je n’ai pas pu faire de vrais au revoir, et surtout ce mode de vie, l’aventure, la grande musique, toute cette peine me rattrapait d’un coup.


J’étais tellement paralysée par la peur de tout perdre à nouveau, que j’étais incapable de ressentir de la joie.


J’ai accueilli le deuil comme un ami. Je me suis laissée pleurer et j'ai beaucoup dormi, mais ce n’était pas assez pour me permettre de relever tous les défis que j'avais devant moi.


Il a fallu doucement que je me débarrasse des ‘’si’’ que j’avais pris l’habitude de glisser devant toutes mes phrases.


‘’Si tout se passe bien, s’il n’y a pas de nouvelle vague, si j’en suis encore capable…’’


Il a fallu que je commence à croire à nouveau, et que je laisse l’espoir toucher mon cœur.


Il a fallu que je me redonne le droit à la réjouissance.


C’est la joie qui tous les jours me permet de me dépasser, de grandir, de choisir les chemins difficiles avec bravoure. Une joie d’enfant qui rêve de chanter sur les plus grandes scènes du monde, et se pratique sur la terrasse de ses grand-parents. Elle m'a accompagnée tout au long de ma préparation, et elle se fait débordante aujourd'hui, alors que je m’envole pour chanter Carmen à Sofia, en Bulgarie.


Photo par: Émilie Pelletier

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